Corriger un roman en 4 temps, 8 mouvements – Le premier jet
Trucs, Astuces & Tutos 9 juillet 2011- Corriger un roman en 4 temps, 8 mouvements – Jusqu’où corriger son texte ?
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Bas les masques, appelons un chat un chat et faisons fi des titres aguicheurs. Le « 4 temps, 8 mouvements » correspond à 4 jets en 8 phases. Bien évidemment ceci n’est que le résultat de ma propre expérience, libre à vous d’organiser vos corrections et réécritures comme vous le voulez. Ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Du moment que vous passez à travers les bases objectives minimales, la manière dont vous le faites ne regarde que vous. Penchons-nous sans plus tarder sur ce “premier jet” – la grande spécialité de Nikos, je tenais à le préciser.
La phase d’écriture
Elle est hautement personnelle et il s’agit bien entendu de votre domaine. Libre à vous d’écrire comme vous le sentez, du moment que cela marche, tous les coups sont permis. Quelques conseils :
Choisissez vos armes :
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Pour | Contre |
La plume (Papier/crayon) |
• Versatile et flexible, à moins d’être sous l’eau on peut l’utiliser n’importe où. • Pas d’apprentissage particulier (si vous avez fini au moins le cycle du primaire) • Peu encombrant et léger à transporter (si vous utilisez des petits calepins) • Ne tombe pas en panne (attention à l’encre tout de même) • Intuitif (facile de gribouiller un plan ou un dessin en marge) • Impossible de partager à moins d’avoir la calligraphie d’un moine tibétain. |
• Difficile à dupliquer, du coup la perte ou la dégradation sont catastrophiques • Fragile • Corrections fastidieuses (ratures, surcharge…) • Volumineux à stocker au final |
La machine à écrire |
• Propre et lisible • Correction de saisie aisée (on parle bien de machines modernes ici, tout de même…) • Duplication facilitée (multi-impression, sauvegarde intégrée de la saisie, photocopies par paquets) • Simple à utiliser |
• Peu flexible (nécessite de l’électricité, du papier, des rubans, une surface plane…) • Lourd et encombrant (même en version « portable ») • Tombe en panne • Nécessite d’apprendre à taper à la machine • Partage limité à la copie physique • Corrections post-saisie fastidieuses |
Le traitement de texte |
• Propre et lisible • Corrections aisées • Duplication illimitée • Partage simplifié (email, ebook, Internet) • Robuste (pour peu que vous sauvegardiez vos fichiers) • Outils intégrés (correcteurs, dictionnaires) • Mise en page simplifiée et totalement modifiable |
• Encombrement (même avec un portable on parle alimentation, souris, sacoche…) • Tombe en panne et bug • Nécessite d’apprendre à taper à la machine et le fonctionnement de base d’un ordinateur • Usage en extérieur difficile (même avec un bon portable) |
Soyons honnêtes et brisons le cliché du poète grattant sa plume sous la lueur blême d’une bougie, ou du romancier de polar penché sur sa machine à écrire le soir à la lumière d’une lampe de bureau. Nous sommes au XXIe siècle, si vous comptez faire autre chose de vos écrits que de les collectionner dans votre tiroir, vous devrez forcement passer à un moment où un autre par une saisie sur traitement de texte. Le cas de la “reconnaissance vocale” (soulevé par Nicolas Kempf en commentaire) est particulier. Il s’agit en fait de remplacer le clavier par un micro. Le module retranscrit votre voix en texte, mais au final vous êtes toujours dans un traitement de texte. Cette technologie demande beaucoup d’apprentissage (celui du programme pour une fois, pas le vôtre) pour reconnaître vos intonations, votre phrasé, votre accent. Efficace en anglais, il l’est malheureusement beaucoup moins en français (prix à payer d’une langue riche en phonèmes et grammaticalement plus complexe). Si j’ai joué un peu avec cet outil (Dragon Natural Speaking étant le meilleur moteur de reconnaissance que j’ai trouvé), son usage pratique est resté limité à piloter l’ordinateur avec des ordres simples et éventuellement sortir des lettres types et des listes. Dès que l’on s’oriente vers du littéraire… cela devient rapidement fastidieux et contre-productif, du moins pour moi, mais je vous laisse seuls juges si vous voulez vous lancer. (mon conseil: la qualité du micro est primordiale, ne faites pas ça avec une webcam, investissez dans un vrai microphone dédié).
Personnellement je suis un hybride papier / traitement de texte à forte tendance numérique. Mon outil de prédilection est donc le traitement de texte (MS Word 2010) et je privilégie la saisie directe. Cependant, j’ai toujours un petit calepin dans la poche pour noter un dialogue ou une idée à l’improviste. De plus, un cahier ne quitte jamais mon sac pour développer un passage lorsque je suis coupé de mes outils habituels (aéroport, avions, trains, bateaux… bref en transport la plupart du temps). Mais je hais viscéralement recopier mes écrits, c’est une pure perte de temps pour moi, je n’arrive pas à en profiter pour faire un passage correctif en le faisant et je bougonne à déchiffrer mon écriture et passer des heures à « copier » au lieu de créer… Le papier n’est donc qu’un palliatif lorsque je n’ai pas d’autre choix (après tout, mieux vaut gratter + recopier que ne pas écrire du tout). C’est aussi un compagnon pour le gribouillage rapide d’un plan ou d’un croquis.
Chacun sa technique :
Même avec l’arme adéquate, chacun peut développer une technique de combat différente. J’en utilise moi-même plusieurs, et j’ai rencontré des auteurs qui en utilisent bien d’autres. En fait, on trouve vraiment tout et son contraire en terme de techniques pour écrire, je vous en livre quelques-unes ici (n’hésitez pas à compléter avec vos petites manies).
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Sprinter ou marathonien ? Des écrivains, pourtant à 100% dédiés à leur métier, n’écrivent que quelques heures par jour. Précis et rapides, ce sont les sprinters. Ils segmentent leur effort en une suite de courses plus courtes. D’autres se lancent corps et âmes, et écrivent pour ainsi dire jusqu’à ce qu’ils tombent ou posent le point final, ils font dans la distance et l’endurance à chaque session.
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Animation ou calme ? Pour certains, les lieux publics sont une source d’inspiration, le brouhaha et le passage incessant sont plus supportables que le simple aboiement isolé d’un chien ou l’arrivée du facteur, car aucun son ne ressort vraiment. Tout est noyé et confus. Vous les trouverez souvent attablés à une terrasse de café où sur les bancs d’un hall de gare. À l’opposé, d’autres ne jurent que par le calme et le silence absolu. Protégés par des boules Quiès, ils s’isolent dans une pièce et ferment la porte à double tour derrière eux – au moins mentalement 😉
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Rituels ou harmonie ? Des auteurs se plient à des rituels précis. Que ce soit un emploi du temps détaillé, une tisane favorite ou une tenue privilégiée. Cette routine quotidienne renforce leur concentration et maintient leurs mécanismes d’écriture bien huilés en les poussant à la régularité. D’autres sont de véritables électrons libres, n’écrivant que quand « ils le sentent ». Ils peuvent rester des semaines ou des mois sans écrire une ligne, et repartir au quart de tour.
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Support musical de fond. Certains s’immergent dans une ambiance musicale pour écrire. Soit pour l’inspiration, soit pour modérer les bruits intempestifs. D’autres ne supportent pas la musique en écrivant, car elle les déconcentre.
De mon côté, je suis un coureur de demi-fond calme rituel et silencieux. Si j’aime prendre mon temps dans la conception et la préparation, en mode écriture, je suis un vrai bourrin. J’aime passer des heures d’affilée, des nuits blanches, et perdre contact avec la réalité jusqu’à la limite de l’abrutissement. Bien sûr ce n’est pas toujours possible, je dois composer avec des soirées courtes et une poignée d’heures libres, mais donnez-moi un long week-end ou une semaine de vacances et… vous ne me verrez plus, je serais enfermé dans mon bureau 😉 Je préfère le calme, mais j’ai une grande capacité à m’isoler et à créer une bulle de calme autour de moi pour écrire – ma grande spécialité dans les aéroports –. J’ai des manies comme courir, écouter de la musique et « fonctionner à la carotte » (si tu finis un chapitre, t’auras droit à un bonbon, une glace, un épisode de série…) Quant à la musique, elle est TRÈS importante pour mon inspiration, et pourtant… je n’écris jamais avec ! Paradoxal, peut-être, mais c’est comme ça. Le rythme me donne des images que mes doigts sont trop lents à retranscrire sur le clavier, du coup je me perds et je me frustre… J’ai essayé avec une liste de titres bien ciblés, ou avec le même morceau en boucle. Rien à faire, ça me gêne plutôt qu’autre chose.
Quelles que soient vos armes et techniques, l’important dans cette phase d’écriture, c’est de produire du texte et aller de l’avant. Que vous pinailliez à chaque phrase ou que vous vous laissiez aller sans regarder en arrière, à la fin vous aurez le même résultat : « le premier jet » ! Seule la somme de travail derrière changera en fonction de votre écriture, mais n’assumez jamais avoir un résultat final après cette phase…
La phase de relecture corrective orthographique (succincte et facultative)
Il s’agit ici d’une phase de relecture corrective « légère ». Je ne vise que l’orthographe, la grammaire et la typographie à ce stade, rien d’autre. Pas la peine de chercher la petite bête, c’est plus une partie de cache-cache avec les coquilles et fautes grossières qu’autre chose. Votre propre connaissance en la matière ou le correcteur intégré par défaut à votre traitement de texte feront amplement l’affaire.
Pour moi c’est un nettoyage afin de ne pas être bloqué dans la prochaine phase, où il sera important d’avancer dans l’histoire sans être pris à rebrousse-poil par des choses qui piquent vraiment les yeux. Je dois le faire, car je suis totalement déficient lorsque j’écris, même sur les règles les plus communes. Mon cerveau me joue des tours et j’écris quasiment en phonétique, massacrant les accords du passé simple et de l’imparfait avec de bêtes participes, abusant des anglicismes – je retrouve même carrément des mots d’anglais parfois parce que… ben, parce que c’est sorti comme ça, je n’y peux rien… –, intervertissant au gré de la position de mes doigts sur le clavier les « ç », « c » et « s »… quand je tape, du moment que ça « sonne » bien dans ma tête, rien ne m’arrête 😉
Si vous êtes plus attentif que moi lors de votre écriture, cette phase est superflue pour vous (je l’indique donc en itallique et séparée par des pointillés dans le graphique). Si vous utilisez la reconnaissance vocale, cette phase est tout aussi importante pour vous que pour moi 😉
PS: Si vous vous demandez pourquoi je n’ai pas fait intervenir Nikos dans cet article, c’est très simple ; il est expert du premier jet
Merci Kanata pour ce petit “benchmark” des moyens d’écriture ! Il en manque un, que pour ma part j’hésite depuis longtemps à tester : la reconnaissance vocale.
Pour ma part, je ne fais pas de relecture orthographique intermédiaire. Je considère que la relecture orthographique est le dernier nettoyage avant envoi. Entre temps, le texte ne mérite pas autant d’égards. C’est du brouillon qui doit, symboliquement, le rester. La chance veut que je ne fasse pas trop de fautes au premier jet.
Bonjour Nicolas et merci de soulever la question. Tu as raison, la reconnaissance vocale est un outil présent. Le problème c’est qu’il n’y a pas encore de moteur pour le français qui soit véritablement efficace. Notre langue est plus complexe au niveau des phonèmes et de sa structure grammaticale, ce qui fait que même les excellents produits anglophones peinent un peu avec la langue de Molière. On peut s’en sortir pour une lettre ou un texte court, mais je n’ai jamais pu me lancer dans du lourd (et surtout du littéraire avec des formes un peu plus complexes).
Oui cette première phase de correction est facultative, pour les clampins comme moi qui ont la tête ailleurs quand ils écrivent 😉
D’ailleurs la séparation en pointillés et l’itallique sont là pour identifier la chose. J’ai étoffé un peu l’article, merci de ta contribution.
Oh! temps que j’y pense, j’utilise un “Nicolas” dans cette série d’articles… Ce n’est pas toi 😉
Bon, pour éviter les confusions, mon faire-valoir sera nommé “Nikos”.