Corned-Beef advices for newbies
Articles 19 août 2012Quand on nous sert des conseils en boîte de conserve importés des States avec une simple traduction de l’étiquette, on en arrive à vous refourguer du corned-beef pour préparer votre bourguignon.
C’est un peu ce qui se passe avec cet article d’enviedecrire.com pour l’écriture d’un premier roman. Je salue la qualité de la traduction au passage. La forme n’est pas le problème ici, c’est le fond qui pêche…
« Il est très rare – et c’est un euphémisme – qu’un nouvel écrivain reçoive une avance de 200 000 € pour un premier roman. » => NON, ce n’est pas RARE, c’est impossible… Vous venez de faire briller inutilement les yeux de centaines de jeunes auteurs.
- Il n’y a pas de système « d’avance » dans le monde littéraire français (il y a des exceptions, mais ce n’est vraiment pas une généralité comme aux US).
- Même aux US, un nouvel auteur pour son premier roman ne recevra pas d’avance (encore moins de ce montant).
- Un auteur en France touche 1.5€/livre. 200 000€ d’avance serait parier sur des ventes de plus de 135 000 exemplaires (en 1re année hors poche)… on est en France (60M d’habitants, pas 300M). Levy lui-même arrive à 285 000 et il a 12 ans d’expérience derrière lui. Impossible de faire plus sans être dans le guide pratique du régime minceur (c’est ÇA qui se vend le mieux en France…) Un premier roman d’un inconnu en France se vend entre 1000 et 100 fois moins que ça.
« Quant à l’avance que vous recevrez, utilisez-la pour embaucher un correcteur ou quelqu’un qui vous aidera à faire vos recherches. » => Again… pas d’avance chez nous. Et l’usage de correcteurs professionnels est en général le fait des éditeurs en France, rarement des auteurs (qui si besoin, feraient mieux de se tourner vers des conseillers littéraires, qui iront au-delà de la correction. Reste à en trouver de valeur, ils sont rares, mais ils existent 😉 .
« Votre roman doit devenir une véritable obsession. Vous ne devez penser qu’à votre livre, rien qu’à votre livre, juste à votre livre – sans pour autant négliger votre vie en dehors de l’écriture. Si vous manquez de discipline, rejoignez un atelier : il vous donnera un cadre, vous forcera à vous fixer des échéances régulières.» => Je suis tout à fait d’accord avec le fond et le message, le problème c’est que cela n’est possible QUE pour des auteurs déjà édités qui vivent de leur plume… sinon, dans la vraie vie d’un jeune auteur et son premier roman ,ben oui, la famille va morfler, ou le boulot, ou votre sommeil, ou votre santé mentale, ou le tout (si vous n’êtes pas prêt à faire cette concession, passez votre chemin, faites de la broderie ou des puzzles si vraiment la télé vous sort par les yeux).
« Ecrivez un roman, plutôt qu’un recueil de nouvelles » => Pour « vendre », oui, surtout en France où le genre de la nouvelle et anecdotique. Pour progresser et explorer dans le monde de l’écriture, c’est l’inverse. Il faut écrire beaucoup, régulièrement, et trouver son style/genre. Il n’y a pas mieux que la nouvelle pour se faire la main (mieux vaut se planter sur 10 pages que sur 400).
Le reste des conseils de cet article ne sont pas mauvais, et même assez logiques. Mais il convient de ne pas vendre du rêve aux jeunes auteurs, c’est comme ça que les légendes urbaines du monde de l’édition naissent et qu’ils finissent dépressifs, dégoûtés et découragés. Une bonne partie des conseils mentionnés ne relèvent pas du premier roman, mais plutôt des bonnes pratiques d’un auteur établi (aux States). Mes compagnes de galères plumesques Jo-Ann et Vanessa semblent assez d’accord sur ce point.
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Mon conseil d’auteur pas confirmé : Si vous écrivez pour vendre… faites du guide pratique, c’est là qu’est la tune. Ou soyez réaliste, acceptez le fait que le lectorat est majoritairement féminin, et faites de la romance avec un brin d’étrange (pas trop de fantastique tout de même).
Sinon écrivez ce qui VOUS plaît, votre production n’en sera que meilleure, et ensuite seulement tâchez de trouver un éditeur/lectorat (ou pas d’ailleurs, il n’y a pas de mal à avoir quelques romans juste à soi, regardez les philatélistes, ils vous montrent toujours la pièce rare, la perle, pourtant ils ont des milliers d’autres timbres dans leur collection qu’ils ont amassés avec autant de passion…)
La réalité US n’est pas comparable à celle de la France. C’est 5 fois plus de lectorat, ce sont des tarifs de 20-25% moins chers sur les livres, une production entertainment (divertissement) à nous faire pâlir, et des guildes d’auteurs bien établies. Il faut donc être très délicat en ramenant des conseils « américains » chez nous… tout n’est pas transposable ni bon à prendre. Espérons que dans les 6 prochains articles de cette série, un peu d’épuration/d’ajustement sera à l’ordre du jour.
En france aussi on a des “auteurs confirmés” avec des conseils un peu plus proches de nos réalités :
Sources :
Il doit sûrement avoir des auteurs “expérimentés” en France pour ce genre d’articles !
Sans doute, mais c’est chasse gardée, pas besoin de concurrence 😉
Je plaisante, Chattam avait un fil pas mal fût un temps, Werber aussi. Merci de le relever, je vais les ajouter dans l’article.
C’est le problème de ces sites qui accumulent les articles (parce que c’est leur business, qu’il faut du pages vues et des visiteurs dans leur créneau pour les annonceurs) : ils doivent trouver de la matière première.
C’est bien plus rapide de traduire un article déjà écrit que d’en faire un sur le même sujet, mais adapté au monde francophone, trouver les personnes pour le faire, les rémunérer (même juste avec de la “publicité et câjoleries”).
Certains blogs ressortent même des communiqués de presse au mot près sans chercher à faire dans l’originalité ou l’objectivité…
C’est sans doute ce qui s’est produit ici en effet, et qui attise le courroux de quelques auteurs en herbe un peu plus secs et qui y voient de dangereux messages à véhiculer aux pousses plus tendres…
Tu as tout à fait raison de souligner que ces conseils relèvent du contexte américain et ne sont pas forcément transposables tels quels… Cela dit, “rare – et c’est un euphémisme” me paraît plus approprié que ta correction : “impossible”. Ce n’est pas impossible, la preuve : Stephenie Meyer a reçu un à-valoir de 750 000 $ pour trois livres alors qu’elle n’avait *jamais* été éditée avant. Cela dit, est-ce pour autant intéressant à savoir ou à publiciser ? Pas forcément, parce que cela n’arrive justement que très rarement, “et c’est un euphémisme”. En même temps, le conseil de l’auteure était justement ici de ne pas s’attendre à une telle avance… Donc finalement, vous êtes d’accord.
Ensuite, ce n’est pas vrai que les à-valoirs n’existent pas en France. À moins de faire affaire à une toute petite structure qui ne peut pas encore se permettre d’avancer de l’argent (comme la mienne), les auteurs devraient toujours essayer de négocier une avance. Voir cet article pour un témoignage à ce sujet : http://blogs.rue89.com/cabinet-de-lecture/2010/10/12/je-vais-faire-quelque-chose-de-sale-je-vais-parler-dargent-170653
1 500 euros d’à-valoir pour un premier roman/contrat, donc. On est évidemment hyper loin des 200 000 cités par Shapiro, et d’ailleurs tout l’article est à propos de la difficulté pour les écrivains de vivre de leur activité, mais “pas d’avance chez nous” est faux, encore une fois. J’ai l’impression que tu fais la même chose que Shapiro : tu grossis le trait pour étayer ta thèse. La réalité est beaucoup plus diversifiée que cela, beaucoup plus imprévisible aussi.
Après, on commencera à le savoir, j’ai vraiment du mal avec cette attitude qui consiste à vouloir tuer les étoiles dans les yeux des gens. Ce n’est pas avec une attitude passive et résignée que les auteurs arriveront à changer le système pour mieux gagner leur vie ! Ce n’est pas parce que ce n’est pas *encore* le cas que ça ne le sera jamais, ce n’est pas parce que ça ne s’est jamais fait que c’est impossible. Le progrès social, ça existe aussi, et c’est justement porté par ceux qu’on appelle avec mépris les “rêveurs”. Le ciel est notre seule limite. 🙂
On est toujours d’accord : Meyer c’est aux US (et reste le record incontesté en la matière. Même là… 3/4 de million d’avance pour une inconnue ?? Meyer a un putain de bon agent qui bosse pour elle, oui, c’est surtout ça. Mais en France… des agents… c’est wallou ).
Et un à-valoir de 1500 euros… on ne parle pas de la même chose là 😉 et on est bien dans le faible pourcentage de ceux qui peuvent l’obtenir (elle le dit elle-même, sa situation est loin d’être la pire).
Ceci dit, je te trouve plus pessimiste que moi au final. Le ciel n’est plus ma limite depuis longtemps, depuis qu’il y a des traces de pas sur la Lune et de rover sur Mars… 😉
Oups, bis. En suivant tes liens, je m’aperçois aussi que Marc Lévy vendRAIT 285 000 exemplaires *en gros format* + 900 000 exemplaires en poche. Merci pour la désinformation : Marc Lévy et ses 12 ans d’expérience arrivent donc à vendre plus d’un million par titre. Le chiffre de 135 000 reste très impressionnant, mais devient tout à coup plus relatif (ce n’est pas près de la moitié de ce que vend Lévy, c’est presque 9 fois moins).
Non, c’est voulu, les avances ne se calculent que sur la vente des “grands formats”, la vente poche est séparée (pas le même éditeur, il s’agit souvent d’un contrat bien distinct). Et j’insiste, 135k pour un premier roman (on dit bien en France par un français primo-romancier, pas un import US en best-seller), c’est du rêve…
Je ne veux pas tuer les étoiles 😉 juste rappeler qu’elles sont loin.
Et quand on reçoit un à-valoir de 1500€, on risque de ne pas recevoir de droits d’auteur tant que la vente des romans n’atteint pas ce chiffre. Alors que veut-on ? L’à-valoir ? Ou les droits d’auteur ?
Ha oui, c’est vrai que ce n’est peut-être pas clair pour tout le monde, tu fais bien d’en parler.
Donc :
L’à-valoir est une avance sur les droits d’auteur (pas une prime supplémentaire 😉 ). On vous donne 1500 tout de suite, et puis aucun versement des droits jusqu’à hauteur de ce montant (soit approx. 1000 ex vendus).
À noter que le contrat “10% de droits + 1500 d’à-valoir” est un contrat assez “classique” pour les maisons bien établies envers les publications à tirage 2000+. Un nouvel auteur inconnu français n’aura pas loisir de le négocier. (aux States, c’est l’agent de l’auteur qui se charge de ce genre de négociations)
J’ajoute que l’à-valoir est non remboursable, que le livre livre marche ou fasse un flop.
Merci pour cette analyse de l’article de enviedecrire. C’est dommage, ce loupé grossier, car en général je trouve leurs articles bien fichus…
Détail important en effet, qui explique sans doute la frilosité dans ce domaine.
Cet article fait couler beaucoup d’encre (ou de touches pressées sur un clavier ?) et tout comme toi, Jo Ann ou encore Vanessa, je partage vos avis. Il est affligeant de voir de tels articles écrits, sachant que certains se précipiteront dessus et prendront cela pour argent comptant.
C’est pas grave, les justiciers masqués ont répliqués 😉 on va former une ligue de protection des auteurs wannabe !
Bon, créons notre propre site, tiens. 😉
Pas faux !
T’as vraiment trop de temps libre !
Rha, tu crois ? 😉
En ce moment, je n’ai le temps de rien, mais à plusieurs, on récupérant les conseils qu’on a déjà partagé sur nos blogs, c’est faisable. 😉
Enfin, c’est une idée lancée dans un commentaire. Faut pas me croire sur parole ! 😛
ça se mijote…