Ha ! Quand l’amour vous tient…
nouvelles 10 juillet 2010Titre
Ha ! Quand l’amour vous tient…
Accroche
Il est des couples qui sont fait pour durer toujours.
Description
Une nouvelle écrite lors d’une étape entre Chicago et L.A., je ne me souviens plus très bien où. Une petite histoire courte et humoristique. Spécialement dédicacée aux couples qui s’aiment… ou pas…
20 000 caractères
Texte complet
1
Monsieur et madame Smith vivaient à Jacksonville en Floride, une bien belle région. Ils avaient pu s’installer là grâce à la fortune de madame Smith et au travail acharné de son mari qui exerçait le métier fort rémunérateur d’assureur.
C’était un couple heureux, mariés depuis dix ans déjà, ils s’entendaient à merveille comme pouvaient le constater leurs voisins ce soir-là.
— Espèce de salaud ! Tu étais encore avec ta secrétaire, hein ! Tu vas me faire croire que tu lui as donné un rapport à taper à 7 h du soir ?
— Mais chérie…
— Comment, tu oses m’appeler chérie alors que tu viens de me tromper avec cette blondasse ?
— Mais…
— Ha ! Non, mon bonhomme, tu ne t’en tireras pas comme ça. Cette nuit, c’est le divan !
— Bien chérie… Mais…
— Et je ne te souhaite pas bonne nuit !
Comme beaucoup de couples, monsieur et madame Smith traversaient parfois des petits moments de crises. Rien de bien grave, d’ailleurs. Cela n’arrivait que lorsqu’ils se voyaient plus de cinq minutes d’affilées. Malheureusement pour les voisins, c’était souvent chez eux, dans la grande maison de Jacksonville.
Robert Smith alla chercher un drap et une couverture pour s’installer sur le divan. Il avait l’habitude. D’ailleurs, le canapé épousait parfaitement bien les formes de son corps, depuis le temps qu’il y dormait !
Avec son crâne dégarni, ses petites lunettes rondes en acier et son visage osseux, monsieur Smith ne payait pas de mine. Son regard était fuyant et il n’avait rien d’un courageux. Quand sa femme lui criait après, comme c’était souvent le cas, il ne disait rien. D’une part, parce qu’elle ne le laissait pas en placer une, d’autre part, parce qu’il préférait de toute façon s’écraser. Le divan était confortable, après tout.
Alignant ses pantoufles au pied du divan, l’assureur posa ses lunettes sur un guéridon en merisier proche, et se coucha. Demain serait un autre jour.
À l’étage de la grande maison, Adelyne Smith se pomponnait devant un large miroir. Elle avait bien quinze kilos de trop, dont une bonne partie était imputable à la dose de maquillage qu’elle utilisait.
À quarante-cinq ans, elle en était déjà à son deuxième lifting. Cela ne la rendait pas plus attirante pour autant, puisque même étant jeune, elle n’avait jamais était une beauté de la nature.
Dans sa coiffeuse rose bonbon, elle s’étalait un bon litre de démaquillant pour retrouver un visage humain. Ses cheveux, trop noirs pour que ce soit leur couleur naturelle, étaient entortillés dans une collection de bigoudis multicolores. Tout en se préparant pour la nuit, elle mouronnait contre son mari. Il fallait dire qu’elle ne perdait pas une occasion de le malmener, car elle était non seulement jalouse comme pas deux, mais également excessivement caractérielle. Cependant, Robert était tout de même rentré à vingt et une heure ce soir, et il méritait bien ce qui lui arrivait.
Dans la nuit, la chambre de madame Smith fut emplie de doux rêves de fourrures. Elle flânait dans une boutique, sentait la douceur des peaux contre la sienne, et la chaleur des manteaux de luxe. Tandis qu’elle en prenait un sur un cintre pour l’essayer, elle entendit des bruits venant d’une cabine d’essayage. En s’approchant, elle reconnut la voix de son mari. Elle tira le rideau de la cabine, et le trouva à moitié dévêtu avec une vendeuse à la poitrine outrageante.
Furieuse, Adelyne Smith se réveilla.
— Dieu merci, ce n’est qu’un rêve.
Pendant ce temps, au rez-de-chaussée, Robert Smith se voyait entouré d’une armée de secrétaires pulpeuses. Elles lui couraient après dans les couloirs du siège de l’assurance. Elles finirent par l’acculer dans un bureau vide, et là, elles se dévêtirent et se jetèrent sur lui avec sauvagerie.
Monsieur Smith ne se réveilla pas, lui, et il dormit une bonne partie de la nuit avec un sourire béat aux lèvres.
2
Le lendemain matin, monsieur Smith fut réveillé par une odeur de café au lait. Il ouvrit un œil pour découvrir le plateau délicatement posé sur le guéridon, à côté de ses lunettes. Le bol fumant était entouré de deux croissants, d’un verre de jus d’orange et d’un petit pot de marmelade.
— Conchita est une vraie perle, murmura-t-il en se levant.
Au premier étage, on frappa à la porte de la chambre de madame Smith.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Conchita, répondit la femme à tout faire avec un fort accent espagnol. Petit-déjeuner madame.
— Entre !
Conchita ouvrit la porte et se dirigea vers le lit pour déposer le plateau sur les genoux de sa maîtresse. Elle était habillée de noir et de blanc, comme les femmes de service des grands hôtels. Ses longs cheveux poivre et sel étaient remontés en chignon sur son crâne. Elle n’était pas très belle, madame Smith l’avait choisi pour cela.
Sans la remercier, la maîtresse de maison congédia la domestique, qui retourna dans la cuisine.
Au rez-de-chaussée, monsieur Smith avait avalé son petit déjeuner, et il prenait une douche en pensant à sa journée de travail. Il avait un dossier à finir sur le crash d’un avion de tourisme. Il fallait minimiser le remboursement de l’appareil et prouver l’erreur humaine, sous peine de devoir verser des dommages et intérêts exorbitants aux familles des victimes.
Après s’être rasé de près et habillé, il monta au premier. Arrivé devant la porte de la chambre, il frappa doucement.
— Je pars à l’agence chérie.
— C’est cela, va travailler, répondit sa femme. Et prends garde à rentrer de bonne heure, sinon tu regretteras d’être venu au monde !
— Bonne journée chérie.
Il n’y eut pas de réponse.
Enfin la liberté ! Robert Smith était au volant de sa BMW. Il allait arriver au siège de l’agence. Une bonne matinée de travail pour conclure ce maudit rapport, ensuite… Hum ! Il osait à peine y penser.
En entrant dans son bureau, monsieur Smith fut accueilli par le sourire ravageur de sa secrétaire.
— Jessica, voulez-vous m’apporter le dossier sur le crash s’il vous plait ?
La secrétaire alla fouiller dans une armoire et revînt pour remettre le dossier en main propre à son patron.
— Fait vite Robert, j’ai hâte que nous soyons ensemble, murmura-t-elle.
Le dossier fut terminé en un temps record. À l’heure du déjeuner, Robert Smith et sa secrétaire étaient attablés dans le salon du Hilton.
Jessica Lee n’avait rien d’une perle au travail. Il lui arrivait même d’oublier le numéro de téléphone du bureau. Mais elle avait de quoi compenser ce défaut. Avec son mètre soixante-dix, ses cheveux blonds, ses larges yeux verts et son corps de déesse, elle avait tout de la belle plante de Floride qui hante l’esprit des hommes. Et qui pour le moment hantait surtout celui d’un homme précis : Robert Smith.
— Mon petit lapin, fit Jessica.
— Pas en public s’il te plaît. Attendons d’être dans la chambre, tu veux ?
— Oh ! Le petit lapin méfiant. Il a peur de quelque chose ?
— S’il te plaît. Ici, tu es encore ma secrétaire.
— Comme tu veux, mon lapin.
L’après-midi fut chaude et torride, et pas seulement sous les cocotiers. Sous les draps de la chambre 207 du Hilton du centre de Miami, le climat n’avait rien à envier à celui de la Floride.
Quand Robert Smith rangea sa voiture dans le garage, il était un peu fatigué par sa journée. Cela dit, il était rentré à l’heure. Il avait donc une chance de passer une soirée calme.
Il monta l’escalier qui menait à la maison. En ouvrant la porte qui séparait l’escalier des offices, il fut reçu par le bonjour de sa femme.
— Ha ! Te voilà, tas de fumier.
— Mais, je…
— T’étais où cet après-midi ?
— Et bien, au bureau. Je travaillais sur un dossier urgent.
— Menteur. Conchita m’a demandé congés pour rendre visite à sa sœur malade. J’ai donc voulu te prévenir que nous dînerions à l’extérieur, mais personne ne savait où tu étais passé.
— Je… Comment dire…
— Ne cherche pas d’excuses, gros malin ! Je ne sais pas ce qui me retient de te donner une bonne gifle.
— Je t’assure…
Planté dans l’encadrement de la porte, monsieur Smith ne savait plus quoi faire. Mais sa femme agit pour lui.
— N’aggrave pas ton cas en mentant, fit-elle en levant le bras.
Sa main s’abattit avec une telle force sur le visage de son mari, que celui-ci perdit l’équilibre.
Adelyne Smith vit le corps de son mari disparaître dans l’escalier. Elle entendit le bruit qu’il faisait en rebondissant de marche en marche. Puis ce fut le silence.
— Robert ?
Elle s’avança. En bas, elle distinguait le corps. Il était couché sur le ventre, mais il semblait la regarder, sa tête tournée vers elle.
— Il est mort le cochon ! C’est tout lui ça ! Il se sera défilé jusqu’au bout.
Adelyne Smith retourna aux offices et chercha un téléphone. Elle composa le numéro des urgences.
— Allô ! Je suis madame Smith. Mon mari vient de faire une chute dans les escaliers. Venez vite, je crois qu’il est mort.
3
Pour Robert Smith, ce fut comme une brûlure à la joue, puis la chute dans les marches, le contact dur des angles, une douleur fulgurante à la tête, et finalement, plus rien.
Petit à petit, il recouvra ses esprits. Il était sur une sorte de brancard. Un drap blanc le recouvrait et il ne sentait plus aucune douleur.
— Docteur !
Personne ne vint à son appel. Il s’assit sur le brancard et inspecta la pièce. C’était un réduit de deux mètres par trois. Le brancard prenait toute la largeur. Sur un côté, il y avait une porte. Robert Smith se mit sur ses jambes et s’y dirigea. De l’autre côté, une agitation sans nom régnait. Des tas de gens passaient dans les couloirs, des malades comme lui, mais aussi d’autres personnes. Il eut un peu le tournis et faillit perdre l’équilibre devant un tel va-et-vient.
Il se sentit soutenu par un bras vigoureux.
— Et bien, monsieur Smith. On sort déjà ?
C’était un homme en veston gris qui venait de parler.
— Vous avez raison, votre jugement va être prononcé, je venais d’ailleurs vous chercher. Suivez-moi.
Sans trop comprendre ce qui lui arrivait, Smith suivit l’homme en gris. Tandis qu’ils traversaient plusieurs couloirs, il demanda.
— Dans quel hôpital sommes-nous ?
— Hôpital ? répondit l’homme d’un air surpris. Ha ! Oui, c’est toujours comme ça avec les coups sur la tête. Nous ne sommes pas dans un hôpital monsieur Smith.
— Ha ! Bon… Un centre spécialisé pour les commotions cérébrales alors ? Il faut dire que j’ai eu de la chance de m’en sortir. Cet escalier était raide.
— Je crains que vous ne vous mépreniez, rétorqua l’homme. Vous ne vous en êtes pas sorti.
— Pardon ?
— Je dis que vous ne vous en êtes pas sorti. Cet escalier était vraiment trop raide monsieur Smith. Vous me comprenez ?
Ils arrivèrent dans un vaste hall où se formait une file d’attente.
— Vous voulez dire, risqua Smith…
— Oui ! C’est bien ce que je veux dire. Maintenant, pardonnez-moi, mais je dois vous laisser. Mettez-vous dans le rang et suivez le chemin qui vous sera indiqué.
L’homme en gris s’évanouit dans la foule et Robert Smith resta dans le rang.
— Mort ! Je suis mort !
Devant lui, un homme se retourna.
— Bien sûr que vous êtes mort. Sinon que feriez-vous ici ?
Smith dévisagea l’homme, on aurait dit un bûcheron. Il était carré et son visage était buriné par une longue vie passée au-dehors.
— Mais où sommes-nous ? demanda-t-il.
— Pour l’instant, nulle part. Tu devrais plutôt dire : mais où allons-nous ? Ne soit pas trop pressé mon gars.
Smith n’insista pas. Il suivit la file qui avançait lentement. À vingt mètres de là, il y avait une porte que les personnes formant le rang franchissaient une par une.
Bientôt, ce fut le tour de Smith. Il ouvrit le battant et se retrouva dans une pièce entièrement blanche du sol au plafond. Devant lui, il y avait deux escaliers mécaniques. L’un montait, mais une pancarte « Accès interdit » en barrait le passage. L’autre descendait. Comme c’était le seul praticable, Smith s’en approcha. Il posa un pied sur le tapis et s’accrocha à la rampe. Aussitôt, il se sentit mené vers le bas. Devant lui, à perte de vue, il n’y avait qu’une suite de marches métalliques. L’escalier semblait ne pas avoir de fin.
Plus il descendait, et plus Smith avait chaud. Le blanc céda peu à peu la place à une nébulosité orangée, puis, au fur et à mesure qu’il avançait, les teintes virèrent au rouge. Finalement, la chaleur se fit suffocante et il aperçut le palier de l’escalier. Il prit pied dans une salle aux couleurs du coucher de soleil. Dans un coin, derrière une vieille table en bois, un homme au torse nu attendait. La chaleur était telle que Smith voyait les choses danser autour de lui à travers une vapeur indistincte. Il s’approcha de l’homme.
— Robert Smith, décédé il y a deux heures des suites d’une chute dans un escalier, récita le réceptionniste.
— C’est bien moi, répondit Smith.
— Je le sais. Bon ! Qu’est-ce que vous voulez faire ?
— Pardon ?
— Vous avez le choix : mauvaise conscience, instigateur de guerres, colporteur de maladies, persécution d’un humain. Que choisissez-vous ?
— Mais je ne comprends pas…
— Je n’ai pas toute la journée moi. Je suis désolé si personne ne vous a expliqué comment ça marche, mais ce n’est pas mon boulot. Alors pour faire court : Vous êtes en enfer, et je vous demande en quoi vous voulez vous spécialiser. Si vous ne me dites rien, je vous colle un poste de bureau comme le mien.
— Ha ! Je…
— Écoutez, je vais vous dire. C’est votre femme qui vous a tué, pas vrai ? Alors que diriez-vous de remonter là haut pour la persécuter un peu ? Pas mal comme vengeance, non ? Allez, signez là, c’est parti.
Smith prit le stylo rouge et signa le registre que lui tendait le fonctionnaire.
— Au fond à droite, fit ce dernier. Prenez l’escalier de service il vous ramènera en haut.
Smith se retourna. Là où quelques instants plus tôt il n’y avait qu’un mur, se dessinait maintenant une porte. Il s’avança, l’ouvrit et commença à grimper les marches d’un escalier en colimaçon.
La montée durait depuis des heures. L’escalier tournait, montait, encore et encore. Il faisait moins chaud maintenant, mais quand diable cette ascension allait-elle s’achever ?
Smith eut l’impression de grimper encore pendant des siècles. Puis l’escalier cessa de tourner. Il était droit maintenant. À quelques mètres se dessinait une nouvelle porte. Smith la reconnut tout de suite, de même que l’escalier, c’était là qu’il était mort.
Résolument, il gravit les derniers échelons et ouvrit la porte en grand. Il était chez lui.
Rien n’avait changé. Il visita la maison, mais tout était à sa place. Dans le bureau, il découvrit des faireparts. Il regarda la date et compara avec un calendrier électronique qui trônait sur le bureau. On allait l’enterrer demain.
Un bruit de clef attira son attention, il revint dans l’entrée. Sa femme refermait juste la porte derrière elle.
— Bonjour chérie !
Adelyne Smith enleva son manteau et le mit dans la penderie.
— Tu ne m’entends pas ? Bien sûr, je suis mort, alors…
Il se dirigea vers elle et lui toucha la joue, elle se gratta comme si elle avait eu un cil qui la chatouillait ou venait d’être frôlée par un insecte.
— Je veux que tu m’entendes ! fit monsieur Smith avec conviction… Bonsoir chérie.
Madame Smith se retourna vivement.
— Allons bon, voilà que j’entends des voix. Ce chenapan est mort, et il l’a bien mérité d’ailleurs.
Monsieur Smith se dirigea vers la penderie et l’ouvrit en grand.
Sa femme se retourna l’air ahuri. Elle s’approcha et referma la porte.
— Satanée penderie !
Monsieur Smith s’était installé dans le divan. Décidément, cette activité allait lui plaire.
Dans la soirée, il renversa quelques verres, croisa les couverts sur la table et fit tomber le vase préféré de sa femme. Elle était en colère, rejetant la faute sur Conchita.
— Tu ne peux pas faire attention idiote ! Regarde ce que tu as fait !
Quand sa femme alla se préparer pour la nuit, il était derrière elle.
— Regarde-toi, songe comme tu es moche ma pauvre Adelyne, fit-il tout bas.
Dans le miroir, madame Smith se regardait tristement.
— Ton visage, ce n’est rien, regarde tes cheveux, on dirait des poils de balai.
Elle passa les doigts dans ses cheveux et se mit à sangloter.
— Je suis vieille et moche, se lamenta-t-elle.
Puis elle alla se coucher, tandis que son mari riait aux larmes.
Au milieu de la nuit, elle fut réveillée par le bruit du corps de son mari rebondissant sur les marches. Elle l’entendit même gémir de douleur. C’était intolérable. Au petit matin, elle avait pris dix ans tellement sa nuit avait été mauvaise.
Elle enfila ses vêtements de veuve et tout de noir vêtus, se rendit à l’enterrement.
Tout le monde lui trouva une mine déplorable, ce qui n’avait rien d’étonnant avec la nuit qu’elle venait de passer – mais faisait malgré tout assez bien avec le ton de la journée.
Le curé vantait les mérites de monsieur Smith, et des gens qu’il ne connaissait même pas pleuraient dans le fond de l’église.
Il se planta alors devant sa femme et souffla.
— Dire que c’est toi qui m’as tué. Tu y songes ? Tu m’as poussé. Sans toi je ne serais pas mort. Et puis, j’ai souffert, horriblement souffert.
Madame Smith se ratatina sur elle-même.
— Un accident, murmura-t-elle entre ses lèvres. C’était juste un accident…
— Non, fit son mari. Pas un accident… un meurtre !
Elle éclata en sanglots. Les personnes autour d’elle se penchèrent pour la réconforter.
Durant le retour, monsieur Smith était assis aux côtés de sa femme dans la voiture. Elle conduisait machinalement.
— Attention au gamin ! hurla brutalement son mari.
Bien sûr, la route était déserte, mais sa femme pila tout de même. La chaussée devait être glissante, car la voiture dérapa, elle se cabra et tourna sur elle-même, effectuant ainsi plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser au milieu de la chaussée.
Monsieur Smith sortit de la voiture, il était écroulé de rire.
— Sa belle Daimler toute neuve. Elle va en faire une tête. Ha ! Ha ! Ratatinée, la voiture Oh ! Oh !
Il rejoignit sa maison à pied, se plaça au sommet des quelques marches de l’office, et entama alors une longue descente le long de l’escalier en colimaçon. Il ne s’arrêta de rire qu’à mi-chemin. Finalement, il atteignit la porte de service et l’ouvrit pour se retrouver dans la salle qu’il connaissait déjà. Sur le côté, les marches métalliques de l’escalator continuaient inexorablement leur lent cheminement vers le bas, disparaissant dans le sol pour remonter secrètement dans la grande salle blanche de triage. Le préposé, toujours à son poste, se tourna vers lui pour l’accueillir.
— Bravo ! Beau travail pour un débutant, le boss est content de vous.
— Ce n’est rien, je me suis bien amusé. Surtout pour la voiture, elle y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Je remonterais bien pour voir la tête qu’elle va faire.
— Ce ne sera pas la peine, votre femme arrive, fit le fonctionnaire.
— Quoi ?
— Elle est morte dans l’accident. C’est pour cela que je dis que vous avez fait du bon boulot. Une recrue de plus ! Tenez, la voilà qui arrive justement.
Une silhouette apparut sur l’escalier automatique. Paradoxalement à la température de la pièce, monsieur Smith était glacé.
— Ha ! C’est toi, lança sa femme en l’apercevant, j’aurais dû m’en douter.
— Mais chérie, je ne voulais pas, c’était juste pour la voiture…
— C’est ça la deuxième lune de miel que tu m’avais promise, bon à rien ?
— Mais enfin, chérie…
— Oh ! Je le sais bien moi pourquoi tu es ici et pas chez le Bon Dieu. Les femmes y sont plus chaudes, hein !
— Mais Chérie, laisse-moi…
— Taratata ! Rien du tout, bouse de vache ! T’as vu dans quelle galère tu nous as fourrés ?
Le préposé intervint.
— Dites, heu… Qu’est-ce que vous penseriez d’incarner la Zizanie tous les deux ? Vous faites un couple vraiment super pour ça ! Allez, je vous note… Signez en bas…
bonjour,
la facilité que mes yeux ont eu à lire cette nouvelle, un écrit bien épuré, offre à mon esprit la liberté d’imaginer une fin insoupçonnable j’aime!!!
merci pour ce moment de plaisir
Kathy
Merci Kathy. Parfois “simple c’est bon” 😉